Valoriser, la commande initiale se porte sur la rénovation des sanitaires et la création d’une salle de motricité comme extension du bâtiment existant. Je rencontre Julien, avec qui je collabore en 2018. On découvre ensemble un établissement qui s’est agrandit en 4 ou 5 étapes de façon où les salles se jux- taposent. Il ne nous semblait pas envisageable de continuer la dynamique en ajoutant une nouvelle pièce sans régler la tension entre les éléments, on se décale de la commande.
En négatif des constructions, on a lu le projet prioritaire : restructurer les circulations afin de rendre accessibles les com- modités quotidiennes et distribuer toutes les salles de classes. Cette nouvelle colonne vertébrale supporte de nouveaux usages comme vestiaire qui empiétait dans les classes. Elle s’appuie sur ce qui est déjà là, pour éviter de reconstituer une paroi existante et utiliser ses propriétés mécaniques : porter la nouvelle circula- tion qui distribuera la lumière.
Qualifier, c’est créer de la valeur d’usage à un objet. Travailler alors sur l’objet avec le contexte le transforme en sujet. Ouvrir un sujet, c’est entrer enfin dans le projet.
Écart entre l’existant et le projet
Le champ de tension dans lequel évoluent les
architectes se scinde vite: d’un côté le bâtiment existant avec son idée spatiale manifestée par sa construction et
ses matériaux, et de l’autre un nouveau programme, résultat d’exigences modifiées ou d’une utilisation renouvelée du bâtiment. L’approche de weiterbauen et la pratique de construction continue
ignorent toutes les tentatives de séparation et qui ne mettent pas au pre- mier plan la célébration des époques historiques, mais qui sou- lignent l’unité architecturale d’un
bâtiment, la liaison, au-delà des époques, entre ce qui est actuel et les restes bâtis du passé n’est-elle pas une illustration satisfaisante de la tradition?
La conscience d’un héritage culturel continu et la prise en compte de traditions architecturales au cœur de la mission de « construire avec l’existant » sont une invitation explicite à une juxtaposition et à une coexistence sur un mode esthétique et figuré, en quête d›une posture conceptuelle cohérente qui me parle sur le plan du contenu, l’architecte suisse Miroslav Sik voit la pratique comme: « Concevoir l›essentiel, négliger le superflu et se consacrer en tant qu’architecte aux maisons et à ses habitants ».
Telle est la seule façon pour la métaphore imagée de la réu- nification d’émerger comme une transformation faite de conservation et de renouvellement, sans faire courir à son origine un risque de modification ou de disparition totale. Dans un concept du « nouveau tout », l’ancien n’est pas mis en scène pour valori- ser le nouveau. C’est la recherche d’une cohérence conceptuelle qui confère à l’existant et à l’intervention une forme architecturale globale, au delà des barrières quasi infranchissables dressés entre l’ancien et le neuf, sans pour autant que ne se perdent dans la résolution de la tâche de construction la multiplicité des strates et le caractère polysémique. Le neuf visible en tant que tout transformé porte un peu des deux en soi sans manifestation des couches: un tout continu et homogène*.
* Georg GIEBELER, Rainer FISCH, Harald KRAUSE, Rénover le bâti, Maintenance, reconversion, extension. , Lausanne. PPUR. 2012
Travailler par référence
La « construction continue», Weiterbauen, suppose un écart permanent entre conservation et rénovation. On attend là des architectes une implication, des connaissances, une sensibilité et l’imposition de restrictions. Il importe d’abord de pénétrer
le langage constructif et de bien lire l’espace existant. Viendra ensuite l’activité de conception qui doit résoudre avec perti- nence la double tâche de conservation et de rénovation.
Mais qu’entend-on par pertinence? Le rapport entre l’ancien et le neuf ne peut se suffire d’une réponse technique et fonctionnelle, La tâche architecturale/spatiale exige la trans- formation de bâtiments existants, c’est-à-dire une activité de composition/ conception, Il faut, selon les termes de l’architecte italien Francesco Collotti, «entendre par-là un travail avec les formes intérieurement vivantes en vue d’atteindre une interpré- tation, un acte subtil, à la fois technique et littéraire, de compo- sition créative.
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